7.05.2014

Lecture Analytique 4 : « Aubade chantée à Laetare un an passé », Apollinaire


Du latin laetare, « réjouis-toi », de laetari, « se réjouir », de laetus, « joyeux »
Ce poème est le quatrième du recueil Alcools et il constitue une sorte de chanson campagnarde du matin destinée à être chantée à l'aube, sous la fenêtre de la belle, à une période où l'on commence à sentir les premiers souffles du printemps (le dimanche de Laetare est le quatrième du Carême)

Pbq : Comment Apollinaire parvient-il ici à allier tradition et modernité en un poème qui a toutes les marques de la poésie chantée ?

En quoi le poète parvient-il à séduire la femme courtisée ?

I – Un poème palimpseste (qui reprend une tradition)

1. Souvenirs mêlés (évoqués directement ou allusivement)
Ceux de la mythologie grecque (Éros, Mars, Vénus, Pan)
Ronsard et les romantiques (symbiose des amants et de la Nature)

2. Le choix de formes traditionnelles et la reprise d'une démarche argumentative bien connue
Trois quintils d'octosyllabes aux rimes croisées respectant l'alternance masculine/féminine qui donnent une solide cohérence à un raisonnement qui rappelle celui de Ronsard.

3. Une chanson rustique
Étude du cadre, des personnages (Pâquette = pâques, pâquerette), rappelant les vieilles chansons françaises comme « il court, il court le furet, le furet du bois joli »

II – Une réécriture parodique

1. Une reprise humoristique du thème du Carpe Diem dans une chanson où tout est rose (volontairement mièvre), aigre (flûte de Pan). Apollinaire renouvelle l'évocation traditionnelle du printemps, saison des amours

2. D'étonnants mélanges qui sont autant de clins d’œil ironiques au lecteur : les dieux païens dans les postures érotiques se mêlent à la liturgie catholique (Pâques), Mars et Vénus ressemblent à de jeunes amants pleins d'une fougue naïve : esthétique de la rupture, du choc

3. De curieux chants d'amour un peu fous
le poète donne à entendre une étonnante symphonie de sons joyeux et alertes mais discordants. Le poète joue son aubade sur fond de coassements de grenouilles (distanciation par rapport à un romantisme facile)

III – Un épicurisme renouvelé

1. Une autre approche et une autre utilisation de la mythologie
Volonté de l'intégrer à la modernité.

2. Thanatos a disparu : effet de surprise

3. L'expression d'une époque, celle d'une société hédoniste qui, d'une certaine façon, retrouve la fête des sens grecque. En quelques vers, Apollinaire restitue le climat des amours adolescentes d'aujourd'hui : un peu de folie, beaucoup d'humour et d'insouciance


OU


I – Une poésie lyrique qui vise à séduire

1. La Nature prend une place très importante
Une invitation à l'amour (un appel aux sens : une poésie épicurienne qui veut envoûter la femme aimée)

2. Une adresse directe destinée à mettre en confiance
Le tutoiement, le nom « Pâquette », l'incitation à le suivre

3. Une musicalité joyeuse qui confine au bonheur
L'entreprise du poète n'en est que plus efficace, un rythme enlevé, sautillant (octosyllabes)
Ton enjoué du poème

II – Un poème qui reprend une tradition littéraire (un palimpseste)

1. La présence de Ronsard dans le poème
La référence aux roses et l'invitation licencieuse (contraire à la pudeur, grivois), la présence d'une nature important, la mythologie

2. Le topos du Carpe Diem
Verbes au présent et impératifs

III – Une poésie surréaliste qui capte l'attention : le renouvellement de la tradition

1. Une poésie amusante : l'esthétique de la surprise
Grenouilles, poules, cadre rustique
Image des dieux dans des postures inhabituelles qui leur donnent moins de solennité → païen
La mythologie intégrée à la modernité
Association de la mythologie à la liturgie avec la référence de Pâques
Pittoresque : une peinture fantaisiste, insolite. Un tableau vivant et léger

2. Une écriture novatrice
L'absence de ponctuation, des images qui n'entretiennent pas de lien avec le réel « l'aube au ciel fait de roses plis » (métaphorique : le ciel est comme une peau) → annonce Eluard « la Terre est bleue comme une orange »
Des associations surprenantes qui éveillent l'imagination et emmènent le lecteur dans un univers créatif, inventif
Le verbe rare « feuillolent » (qui signifie « se recouvrir de feuilles »)

1 commentaire:

  1. A mon avis il est clair que ce poème ne doit pas être lu sans ses suites : une deuxième partie, en italique, qui pour quelque raison n'est pas inclue dans les présentations du texte sur le net et ailleurs, plus le texte qui les suit dans "Alcools", la "Réponse des Cosaques Zaporogues au Sultan de Constantinople". Sans lire toute la "trilogie" effectivement le premier texte peut sembler mièvre et sans grand intérêt ; alors qu'à la lecture des autres il devient une (auto)parodie brillante et hilarante...

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